Publicité, communication : entre obligation de transparence, interdiction et mobilisation citoyenne, est-ce la fin du Greenwashing ?
Découlant de la loi climat et résilience, les communicants et plus particulièrement les acteurs de la publicité font face à de nouvelles obligations en 2022, visant à mieux encadrer les messages à caractère écologique et lutter contre le « greenwashing ».
Les consommateurs étant de plus en plus informés et sensibles aux enjeux climatiques, la publicité reflète depuis longtemps les préoccupations environnementales de la société. En matière de sobriété, la publicité peut être un véritable levier de transformation et peut influencer les consommateurs vers un mode de vie plus durable. Cependant la publicité, qui envahit notre quotidien et influence nos comportements, véhicule parfois des messages trompeurs voire mensongers, allant à l’encontre de ce qu’il convient de faire en matière de réduction de nos impacts sur le climat. C’est à cela et au greenwashing que veut s’attaquer le volet publicité de la loi Climat et Résilience. En parallèle des associations qui se mobilisent contre le greenwashing, de nouvelles initiatives citoyennes émergent pour dénoncer publiquement les entreprises et leurs publicités douteuses avec des arguments irréfutables qui décryptent et déconstruisent les messages mensongers. Ensuite les publications argumentées deviennent virales relayées par des associations et des citoyens. Va-t-on vers la fin du greenwashing ?
Les acteurs de la publicité face aux changements apportées par la loi Climat et Résilience
Inspirée par les travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la loi Climat et Résilience, adoptée cet été, contient un volet ayant pour objectif de repenser la publicité. Afin d’évoquer sa mise en œuvre, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a réuni les acteurs de la filière publicité le 16 décembre dernier. Aujourd’hui, la loi Climat et Résilience impose de nouvelles règles de publicité qui vont obliger les annonceurs et les acteurs de ce secteur à revoir leurs pratiques au moins sur trois volets: un devoir de transparence afin de donner la meilleure information aux consommateurs, l’interdiction de certaines pratiques pour les secteurs polluants et l’incitation des acteurs à faire évoluer leurs pratiques.
Transparence et information des consommateurs
Afin de renforcer la capacité des consommateurs à faire des choix responsables et en toute connaissance de cause, une étiquette carbone devra figurer sur les publicités des voitures et des produits électroménagers à partir du 1ermars 2022. Cette étiquette qui constitue un affichage environnemental attribuera une note allant de A à G, en fonction de différents indicateurs. La mise en œuvre de cette mention obligatoire va faire l’objet d’un décret, dont le projet a été transmis au Conseil d’Etat. Ce texte sera complété par un arrêté définissant le visuel à utiliser.
Dans le même esprit de transparence, les fournisseurs d’accès internet et opérateurs mobiles devront communiquer à leurs abonnés les émissions de gaz à effets de serre liées à leurs consommations internet et mobiles. Cette information permettra de sensibiliser les consommateurs à l’impact de leur consommation numérique sur l’environnement et le climat.
Enfin cet affichage environnemental n’est pas sans rappeler l’affichage social des produits et services, autre sujet de réflexion sur lequel plusieurs ministères et l’Ademe travaillent afin de concilier l’affichage environnemental et social. Il revient à la plateforme RSE de rendre une note à ce sujet prochainement.
Interdiction de certaines pratiques
Les énergies fossiles sont la source principale des émissions de gaz à effet de serre de la France. A partir du 1er août 2022, la loi Climat et Résilience interdit la publicité pour les énergies fossiles. Puis, en cohérence avec l’interdiction des véhicules émettant plus de 95 grammes de CO2 par km en 2030, leur publicité sera interdite à partir de 2028.
Le Ministère présentera en ce début d’année un projet de décret pour définir précisément les modalités de cette interdiction.
Autre interdiction, le greenwashing ou « écoblanchiment », une pratique visant à tromper le consommateur sur les qualités environnementales d’un produit ou d’un service, est désormais assimilé à une pratique commerciale trompeuse. Elle sera alors répréhensible dans les mêmes termes.
Dans le prolongement des dispositions relatives au greenwashing, la question de la neutralité carbone est apparue. Terme et concept grandissant dans les campagnes publicitaires, il n’existe encore aucun cadre à son utilisation. C’est pourquoi, la loi Climat et Résilience a posé un principe d’interdiction des allégations de neutralité carbone pour un produit ou un service. La possibilité d’y déroger se fera dans des conditions très strictes et encadrées. Les entreprises devront produire un bilan carbone précis du produit ou service concerné, ainsi qu’une trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Ces informations devront être accessibles au public via un lien ou un QR code. Le décret relatif sera mis en consultation du public d’ici quelques jours.
Toujours dans ce même objectif d’information, et face aux limites du dispositif « Stop Pub », une nouvelle expérimentation reposant sur la logique inverse, le « Oui Pub » est sur le point d’être lancé. Ce dispositif permet aux citoyens de recevoir les imprimés publicitaires seulement s’ils l’ont explicitement demandé en apposant une étiquette sur leur boîte aux lettres. Cette expérimentation, prévue par la loi sur un échantillon de population, va permettre de réaliser une évaluation des impacts environnementaux de la réduction des imprimés publicitaires non adressés et de ses conséquences sur l’emploi et le comportement des citoyens. Pour rappel, chaque année, 1 million de tonnes de papier est gaspillé pour des publicités qui, le plus souvent, sont jetées sans même avoir été lues.
Afin de donner la possibilité aux collectivités de tester pendant 3 ans le dispositif, l’ADEME a lancé un appel à candidatures et quinze collectivités locales ont été retenues pour une expérimentation du dispositif « Oui Pub ».
Evolution des pratiques sur toute la chaîne de la publicité
Afin de faire évoluer les pratiques sur toute la chaîne de la publicité, le ministère publiera en juillet prochain une liste d’entreprises qui souscrivent ou non à un code de bonne conduite. Pour cela les entreprises réalisant plus de 100 000 euros par an d’investissements publicitaires ont l’obligation de se déclarer sur une plateforme numérique en ligne précisant si elles adhèrent, ou non, à un « contrat climat ». Ce dispositif doit permettre d’établir des engagements volontaires avec des objectifs précis et des indicateurs mesurant leur mise en œuvre. Les engagements devront viser la réduction des publicités faisant la promotion des produits présentant un impact négatif pour le climat et l’environnement. C’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a été désigné par la loi climat pour assurer le suivi de ces contrats et présenter un rapport annuel au Parlement sur leur mise en œuvre.
Vers un mobilisation citoyenne structurée
Face aux publicités trompeuses qui se multiplient sur nos écrans et dans les médias, des initiatives citoyennes émergent portées par des collectifs comme sur linkedIn les Perles du Greenwashing qui épinglent les entreprises ou le Prix Pinocchio des Amis de la Terre, sur la base des pratiques du Name and Shame, à savoir dénoncer publiquement ceux qui font du greenwashing.
Au sein du collectif Réveil écologique qui réunit des jeunes diplômés qui s’intéressent aux enjeux de transition écologique par les entreprises, une cellule de 10 membres décrypte les publicités qui mettent en avant des arguments à portée écologique afin de vérifier notamment la réalité scientifique mais aussi la compatibilité avec ce qu’il conviendrait de faire pour respecter les accords de Paris. Allégations trompeuses, détournement d’attention ou message scientifiquement faux, il existe plusieurs types de messages trompeurs ou mensongers, selon Réveil écologique.
« La publicité de Toyota -plus vous conduisez, plus vous nettoyez l’air – est typiquement une allégation trompeuse, car il est faux de baser une communication environnementale sur l’existence d’un capteur de particules dans le véhicule, quand on sait que la voiture est source de pollution », nous dit Théo Miloche en charge de la communication du collectif.
« De même quand on est un pétrolier qui axe sa communication environnementale sur le retrait des tickets de caisse dans ses stations essences, c’est un feu de paille et un point de détail alors que la véritable question est de savoir comment ce pétrolier réduit les énergies fossiles dans son business modèle » (communicant de Réveil écologique.)
Il est vrai que les arguments environnementaux dans les communications publicitaires sont en nette augmentation, et même si la plupart sont conformes, 88.4% selon les chiffres de l’ARPP (l’autorité de régulation professionnelle de la publicité), 11.6% des publicités sont interdites pour cause de non-conformité. Les préoccupations environnementales dans la société étant plus prégnantes, le niveau des plaintes auprès du Jury déontologie publicitaire pour des allégations écologiques, en conséquence, en nette augmentation.
« On voit une montée des préoccupations environnementales, auparavant c’était sur le respect des personnes, maintenant c’est l’environnement qui arrive au premier rang des plaintes. Notre rôle est de faire respecter les textes de loi, tout en accompagnant les entreprises sur les points de vigilance, on intervient beaucoup » constate Stéphane Martin, le directeur général de l’ARPP.
Publicités mensongères, allégations confuses, détournements de l’attention du public, communication environnementale sur un élément marginal de l’activité, autant de sujets de vigilance sur lesquels les entreprises doivent se pencher pour éviter le greenwashing et la sanction du législateur.
Autant de sujets sur lesquels les collectifs citoyens entendent sensibiliser les consommateurs en publiant sur les réseaux sociaux leurs arguments, dénonçant publiquement ces entreprises, souvent des grands groupes. Ensuite les publications deviennent virales….. Au risque de susciter en plus de la sanction judiciaire, la sanction du public, on peut espérer que 2022 sonne le glas du Greenwashing.
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