ESS: Une économie solidaire au service des personnes et non du profit
L’économie sociale et solidaire est un secteur important de l’économie française. (2,6 millions d’emplois , 154 679 entreprises , 1 emploi sur 7 dans le secteur privé, 1 emploi sur 10 dans l’ensemble de l’économie).
Pour reprendre le titre du récent ouvrage de Jérome Saddier, président d’ESS France, l’économie sociale et solidaire peut être une « économie de la réconciliation », voire un levier de cohésion et de transformation sociétale.
La crise sanitaire a en effet révélé la nécessité inhérente d’orienter l’économie vers le bien commun et l’utilité sociale. L’ESS sait incarner ce changement de paradigme , car elle répond aux principes suivants : utilité sociale, coopération, adapté aux besoins des territoires et des habitants. Elle propose de revitaliser l’économie et l’entreprise en défendant des valeurs prônées par l’économie sociale : elle est une économie au service de l’Homme et non au service du profit .
L’ESS est une force motrice: elle est source d’innovation , porteuse de solutions et elle crée de la valeur économique non seulement économique mais aussi sociale, ses pratiques rendant les deux presque indissociables.
C’est ce modèle vertueux que suit l’ESAT Tech’air, qui emploie 140 salariés handicapés.
Spécialisée dans le conditionnement du matériel médical, L’ESAT se positionne ainsi doublement sur les enjeux de santé de par son activité et sa politique d’inclusion salariale.
L’ESAT Tech’Air mène également une politique de relocalisation, qui permet de recentrer l’économie et la production à une échelle territoriale, en accord avec l’ancrage local prôné par l’ESS. Face à l’urgence écologique et sociale, les entreprises de l’ESS comme Tech’Air articulent leurs politiques économiques, leurs modes de recrutement et de production , autour des enjeux de transition écologique, sociétale et solidaire.
Rencontre avec Henri-Aurélien Chopinaud, directeur de Tech’Air.
L’entreprise adaptée Tech’Air assure des activités essentielles. A quels enjeux répondez-vous ?
La question originelle que Tech’Air se pose , c’est avant tout quel impact nous pouvons avoir, tant social qu’économique. En tant qu’ESAT, nous avons déjà un impact intrinsèque à notre modèle d’entreprise: nous sommes une entreprise adaptée. Mais nous souhaitions aller plus loin en renversant le paradigme accompagnateur/ accompagné : et si c’était la personne handicapée qui prenait soin de nous ? En effet, de par notre cœur d’activité (le conditionnement de matériel médical) Tech’Air prend soin des autres: c’est ce que signifie le nom même de l’entreprise. La fabrication de dispositifs médicaux induit une notion de double impact : non seulement les travailleurs ont une utilité sociale et économique , mais contribuent aussi au bien commun.
Depuis la crise du Covid 19, comment votre modèle d’affaires a-t-il évolué?
Quid d’après Covid : notre modèle économique a évolué.La crise nous a forcé à repenser notre rapport à la santé , et a été source d’innovation: un grand nombre de Startup et de biotech inventent aujourd’hui les produits de santé de demain. L’ESAT Tech’Air leur propose la mise à disposition de nos sites de production: le processus de relocalisation est au cœur des stratégies ESS , et nous permet aussi d’avoir un impact RSE, pour nous comme pour ces entreprises innovantes. Nous répondons aux besoins de celles-ci notamment en termes de quantité : de tels produits demandent une production conséquente. Nous sommes en partenariat avec 11 autres ESAT , appartenant à 5 associations différentes, afin de pouvoir proposer une relocalisation en adéquation avec les besoins de production. L’utilisation d’autotest s’étant énormément démocratisée après la crise sanitaire, nous pensons également que ce marché de niche sera voué à se développer dans les années à suivre : des autotests pour la maladie de Lyme, pour la ménopause ou encore l’allergie au gluten seront commercialisés sur le marché. Notre business model est voué à évoluer grâce à l’impact post-covid.
Nous avons également mis en place un dispositif d’automatisations , grâce aux aides étatiques et notamment le plan France Relance : des tâches pénibles pour nos salariés sont désormais automatisées, avec des outils comme des compteuses par exemple.
Comme toute entreprise responsable vous avez mis en place une politique de QVT , un “programme bien-être” pour vos salariés. Quelles sont les spécificités ?
La QVT est dans notre ADN: nous menons une mission certes économique mais avant tout sociale. Prendre soin de nos salariés permet avant tout une meilleure performance. Lorsque les salariés arrivent sur site le matin , nous mettons en place un “temps d’écoute du matin” d’un quart d’heure: nous avons tous des tracas du quotidien qui affectent notre performativité. Des réponses adaptées peuvent être apportées en fonction des besoins du salarié. Nous disposons également d’un système de santé inter-entreprise : tout le monde sait à quel point il est compliqué d’obtenir un rendez-vous chez le médecin, particulièrement les spécialistes. Il faut compter minimum six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue par exemple… Notre système de santé inter-entreprise est composé d’ophtalmologues , de dentistes qui viennent faire de la prévention sur site : le système n’est pas curatif , mais nous sensibilisons nos employés aux enjeux de santé. Nous avons également mis en place sur site une cabine de téléconsultation , où nos employés peuvent faire leur consultation médicale à distance. Dans cette cabine, est également mis en place un système de prise de température et de tension. Nous proposons également des solutions de médecine intégrative: sophrologie, reiki, homéopathie…
En deça de cet accompagnement médical, Tech’Air a également mis en place un dispositif d’accompagnement administratif, en partenariat avec le cabinet d’huissiers Venezia Associés.
Nous avons également développé le programme Women’s Care pour nos salariées femmes: en cas de douleurs menstruelles particulièrement handicapantes, nous mettons en place des congés menstruels, à hauteur de 2 jours par mois. Afin d’aider les femmes victimes de violence conjugales, des dispositifs de prévention sont mis en place et notre partenaire Venezia Associés se propose d’aider les femmes dans ces situations dans leurs démarches juridiques.
Ce dispositif d’accompagnement de nos salariés existe depuis quatre ans, et au vu de son utilité sociale , il gagnerait à être implanté dans le monde entrepreneurial “ordinaire”.
L’apport de l’ESS à la société française : ce qu’il faut retenir du rapport ESS France
ESS France publie, le 16 mai dernier, un panorama de L’ESS en France. Ce document montre de manière effective le poids de l’ESS en France, dans sa dimension économique comme sociétale , et ce qu’elle apporte à la société.
Présente dans toutes les branches de l’économie, elle a un poids considérable dans des secteurs d’activité très variés : mutuelles, assurances et activités financières, sports et loisirs, enseignement … Concrètement, un emploi sur 10 dans l’économie française relève de l’ESS , et celle-ci génère 2,6 millions d’emplois.
Le secteur des mutuelles génère entre autres 17,8 milliards d’euros. Les fondations, quant à elles , engendrent 122 916 emplois. Plus de 11,6 milliards de dépenses ont été engagées dans le secteur de la philanthropie.
Sa force n’a d’égale que sa pluralité, ce panorama faisant état d’exactement 20 secteurs où l’ESS est présent. Ces secteurs sont divisés par fiches thématiques , dans laquelle des exemples concrets d’actions menées par des organisations de l’ESS ou encore des données chiffrées par secteur d’activité sont fournies.
Ce qui montre que la plupart des secteurs d’activité sont compatibles avec L’ESS : une normativité de l’ESS, un changement de paradigme au sein de la plupart des modèles économiques est donc possible . L’ESS est porteuse de solutions mais aussi d’innovation: elle est un terreau fertile de développement économique. Concilier performance économique, utilité sociétale et capacité transformationnelle, c’est son ambition. Ce plaidoyer d’ESS France permet donc de rendre compte de l’impact actuel de l’ESS en France , mais aussi de son impact hypothétique, de sa potentialité à jouer un rôle de plus en plus structurant dans le tissu économique et social.